🔸Dans cet ouvrage remarquable, Florence Porcel apporte une analyse en profondeur très fine des stéréotypes, idées reçues et enjeux sociétaux qui font que la honte rejaillit systématiquement sur les victimes et non sur les agresseurs.
Elle expose avec beaucoup d’honnêteté ses zones de vulnérabilité, les différentes expériences d’humiliation et de honte qui ont structuré sa personnalité et ont entravé son rapport à elle-même, aux autres et à la vie.
Il s’en dégage de façon paradoxale une grande force de caractère et un chemin de résilience qui constitue une véritable source d’inspiration pour les personnes victimes.
Malgré cette force interne indéniable, une part émotionnelle autonome qui s’identifie à ce qui lui est renvoyée d’elle-même persiste :
« la honte, l’humiliation, la dignité pulvérisée et la culpabilité ». Florence Porcel se sent écrasée par le poids honteux de ce qu’elle porte.
🔸Son témoignage permet de comprendre le phénomène de la dissociation traumatique quasi systématique chez les victimes de viol :
« … Une part de vous ne reviendra jamais parce que cet homme vous la vole et cette part qui s’enfuit est la seule qui existe pleinement à ce moment précis avant de disparaître à tout jamais et vous êtes dans l’incapacité de faire quoi que ce soit et encore des coups des coups des coups mais ça ne veut pas dire que vous êtes d’accord, juste que vous êtes cette partie de vous qui s’enfuit et qu’elle s’est occupée à s’en aller, elle n’est déjà plus tout à fait de ce monde et donc vous n’êtes plus tout à fait présent à ce qu’il se passe, des coups des coups des coups, et la douleur psychique ou physique devient tellement insupportable que vous vous enfuyez de vous-même à défaut de pouvoir fuir votre corps… »
On retrouve les symptômes post traumatiques qui sont le plus souvent présents chez les victimes : crises d’angoisse, insomnies, terreurs nocturnes, flash back, claustrophobie, pensées intrusives, impossibilité à être touchée et à avoir une vie sentimentale et sexuelle épanouie, vaginisme …
Elle explique aussi les mécanismes de survie des victimes tels que la mémoire traumatique et le déni comme « besoin vital de donner un sens à l’absurde » : « Je savais qu’il s’était passé quelque chose de grave mais il fallait mettre un filtre sur cette vérité pour la rendre supportable ».
🔸 Son témoignage met en évidence l’absence de connaissances de base en victimologie des instances judiciaires et de ceux qui sont censés être « experts », ce qui entraine une violence institutionnelle supplémentaire pour les victimes et des conséquences dramatiques dans la reconnaissance juridique de celles-ci.
🔸Si comme elle le nomme si justement, « le principe de la honte, c’est l’incapacité induite à prendre du recul », alors Florence Porcel arrive de façon brillante à ne plus s’identifier à cette honte qui lui colle à la peau.
Par son regard lucide et cette mise à nue courageuse, elle force l’admiration du lecteur et de façon étonnante impose une hauteur, une dignité, un respect.
Ce livre est un cadeau pour toutes les personnes victimes qui pourront bénéficier de cette analyse pointue qui redonne une humanité à la honte.
🔸Je partage son point de vue : « La responsabilité de l’ensemble de la société est immense. »
Florence Porcel a eu le courage de témoigner, à nous maintenant de faire évoluer les stéréotypes et les idées reçues qui maintiennent une culture du viol en France, là où d’autres pays sont bien plus avancés que nous dans le système législatif qui protège les victimes.
